Les plans d’aménagement forestier constituent un guide de gestion durable des forêts privées et publiques. Ils aident notamment à éviter la surexploitation et à assurer la multifonctionnalité des forêts. Imposés par le Code forestier q depuis 2008 pour tous les bois publics[1] d'une superficie supérieure à 20 ha d'un seul tenant, leur réalisation constituait en outre un des axes du Plan de progrès PEFC 2013 - 2018 (prolongé jusqu'en 2021 en Wallonie)(a) visant une gestion durable des forêts wallonnes.

Un outil pour une gestion durable des forêts

Le 15 juillet 2008, le Gouvernement wallon s’est doté d’un nouveau Code forestier, modernisant la version initiale de 1854 qui était essentiellement axée sur les aspects économiques de la production de bois. Le nouveau Code est orienté vers une gestion plus durable de cette ressource naturelle incluant la protection de l’environnement et de la biodiversité. Un des outils mis en place pour garantir la bonne gestion écologique des forêts publiques est l’élaboration d’un plan d’aménagement forestier, obligatoire pour toutes les superficies de plus de 20 ha d’un seul tenant. Les plans d'aménagement fixent, sur base d’une étude approfondie du milieu, les grandes orientations (objectifs et contraintes) pour une gestion multifonctionnelle de la forêt. Ils comprennent au minimum :

  • la description de l’état des forêts et une identification de zones à vocation prioritaire de protection et de conservation ;
  • la détermination et la hiérarchisation des objectifs spécifiques de gestion durable (dont l'équilibre entre la faune et la flore) ;
  • le rappel des mesures de conservation liées aux espaces naturels protégés ;
  • la planification dans le temps et dans l'espace des actes de gestion ;
  • le volume de bois à récolter pour éviter la surexploitation ;
  • des mesures de protection de la biodiversité ;
  • la délimitation de zones à vocation pédagogique et de zones de dépôt de bois ;
  • une analyse financière ;
  • les modes d’exploitation envisagés en vue d'assurer la protection des sols et des cours d'eau ;
  • les mesures liées à l'intérêt paysager des massifs forestiers et à leurs éléments culturels.

La multifonctionnalité des forêts au cœur du plan d'aménagement

La forêt publique représente près de la moitié (49 % en 2021) des forêts wallonnes dont plus des deux-tiers (71 %) sont propriété des communes(b). Étant par nature publique, elle est accessible par voie ouverte au citoyen et doit théoriquement rencontrer les différents objectifs de multifonctionnalité énoncés dans le Code forestier. Cependant, étant donné que l’exploitation de la forêt représente une source importante de revenus qui alimente le budget communal, certaines communes ont tendance à privilégier la fonction économique de la forêt (production de bois) au détriment des fonctions sociale et environnementale.

Le plan d'aménagement forestier doit permettre d’assurer le respect d'un équilibre entre chacune des fonctions de la forêt. Sa réalisation s'inscrit dans une démarche à l'échelle régionale qui vise à identifier les zones où la fonction économique peut être privilégiée sans risquer de fragmenter les habitats clés et les zones sensibles qui forment un réseau écologique[2]. Pour ce faire, trois types de zones, correspondant à différents niveaux d’intégration de la conservation de la biodiversité dans la gestion forestière, ont été définies pour l'ensemble des forêts publiques wallonnes :

  • les "zones centrales de conservation" dont l'objectif prioritaire est la conservation de la biodiversité ;
  • les "zones de développement de la biodiversité" dont les objectifs prioritaires sont la production de bois et la conservation de la biodiversité ;
  • les "autres zones", espaces forestiers multifonctionnels dans lesquels une gestion durable des ressources ligneuses est mise en œuvre sans que le développement de la biodiversité ne soit prioritaire par rapport aux autres fonctions de la forêt[3].

Fin 2021, selon la base de données EFOR du Département de la nature et des forêts (SPW Environnement - DNF), 7 % de la forêt publique (19 790 ha) étaient classés en "zones centrales de conservation" (+ 1 % en 2 ans), 29 % (79 910 ha) en "zones de développement de la biodiversité" (+ 13 % en 2 ans) et 64 % (180 268 ha) en "autres zones" (- 14 %). L'augmentation des superficies forestières où la conservation de la biodiversité est un objectif prioritaire a permis de répondre à l'objectif de répartition du zonage (respectivement 5 %, 30 % et 65 % de la superficie) des forêts publiques q.

Plus de la moitié des superficies à planifier avant 2024

Au 01/09/2021, sur l'ensemble des superficies forestières devant faire l'objet d'un plan d'aménagement, 45 % (121 803 ha) disposaient d’un plan d’aménagement adopté et en cours de validité et 46 % (123 493 ha) possédaient un plan en cours de rédaction ou d’adoption. La proportion de surface forestière ne possédant aucun plan (ou ne possédant qu'un plan obsolète) est passée de 55 % en 2010 à 8 % en 2021, suite notamment aux efforts consentis par le DNF sur cette période dont l'engagement de personnel. Entre 2019 et 2021, près de 20 000 ha de forêts se sont dotés d'un plan d'aménagement, soit une surface quasiment 5 fois plus grande que lors de la période 2016 - 2019. Ce rythme est cependant encore insuffisant malgré la tendance à l'amélioration, étant donné que la totalité des forêts concernées devront posséder un plan adopté et en cours de validité au 31/12/2023[4]. Afin d'atteindre cet objectif, un plan d'aménagement devrait être adopté pour environ 75 000 ha de forêts chaque année.

Un plan d'aménagement forestier nécessite d'être renouvelé : sa période de validité est fixée lors de son adoption. Elle est en moyenne de 24 ans. À noter que les forêts publiques ne bénéficiant pas encore d'un plan d'aménagement sont toutefois soumises au Code forestier en y intégrant toutes les évolutions réglementaires.

La fonction économique évolue durablement

Jusqu’à la fin du 20ème siècle, la volonté de maximiser la rentabilité de la forêt et de simplifier la gestion sylvicole a mené à l’intensification de la filière, privilégiant les semis de résineux de même âge et de même essence suivis de coupe à blanc. Les surfaces de peuplements d'épicéas, en particulier, ont augmenté et ont été implantées en dehors de leurs zones de répartition géographique naturelle, c’est-à-dire "hors station"[5]. Pourtant, la diversité structurelle et la diversité spécifique des peuplements ainsi que l’adaptation des essences à la station forestière sont des facteurs qui influencent la durabilité et la résilience de la forêt. Ces choix ont créé des pressions, sur les milieux forestiers et les milieux naturels environnants, exacerbées par les changements climatiques, et ont notamment contribué à l’érosion des sols, à la baisse de biodiversité et au développement de ravageurs et de pathogènes[6].

Les plans d’aménagement forestier prévoient, au-delà des zones de conservation et de développement de la biodiversité, de diversifier les essences et de préférer les feuillus aux résineux "hors station". Leur adoption progressive joue donc un rôle dans la transition vers une gestion raisonnée de la ressource forestière, privilégiant une forêt mélangée (feuillus et résineux) et étagée (végétation multi-stratifiée avec des arbres d’âges différents, comprenant des éléments non productifs tels que des arbres morts ou des lisières arbustives et herbacées). Ainsi, à titre d'exemple, entre 2008 et 2018, 12 % des forêts wallonnes sont passées d’une végétation monospécifique à une structure irrégulière[7] pour représenter 45 % de la superficie forestière totale.

 


[1] Forêts appartenant à un propriétaire public (Région wallonne, communes, provinces, CPAS…), de ce fait soumises au régime du Code forestier q et dont la gestion est assurée par le Département de la nature et des forêts (DNF) du SPW Environnement

[2] Soit l'ensemble des habitats susceptibles de fournir un milieu de vie temporaire ou permanent aux espèces végétales et animales, dans le respect de leurs exigences vitales, et permettant d'assurer leur survie à long terme. Voir la page consacrée au réseau écologique sur le portail de la biodiversité en Wallonie q

[3] Pour une description plus détaillée des principes de l’aménagement forestier, voir le document "Normes de gestion pour favoriser la biodiversité dans les bois soumis au régime forestier" de 2010, complément à la Circulaire n° 2619 du 22/09/1997 relative aux aménagements dans les bois soumis au régime forestier q

[4] Décret du 16/04/2020 modifiant l'article 57 du décret du 15 juillet 2008 relatif au Code forestier q. Le défaut de date butoir avait entrainé la suspension de la certification PEFC le 01/05/2020 pour toutes les propriétés publiques en défaut de plan d’aménagement. L'entrée en vigueur du décret en 2020 ainsi que l'élaboration de plans simples de gestion (en attendant l’approbation d’un plan d'aménagement), a permis de récupérer l’intégralité des certificats des forêts publiques q.

[5] Pour chacun des types de stations forestières répertoriés en Wallonie, le choix des essences à planter peut être optimalisé en tenant compte de leur adéquation avec les conditions locales (nature du sol, exposition, niveau hydrique...), sur base du fichier écologique des essences et du guide de boisement, fusionnés en un même outil cartographique q.

[6] Prolifération sous certaines conditions d’espèces indigènes (scolyte de l’épicéa p. ex.) et acclimatation d’espèces exotiques. Ont été détectés lors de la dernière décennie en Wallonie des ravageurs tels que la cécidomyie du douglas ou la chenille processionnaire du chêne et des organismes pathogènes tels que le champignon Hymenoscyphus fraxineus à l'origine de la chalarose du frêne.

[7] Futaies à deux étages, futaies irrégulières, peuplements contenant à la fois de la futaie et du taillis (peuplements d'arbres contenant des tiges issues de rejets de souche) et surfaces en régénération naturelle

 

État d'avancement des plans d'aménagement forestier en Wallonie (septembre 2021)

État d'avancement des plans d'aménagement forestier en Wallonie (septembre 2021)

État d'avancement des plans d'aménagement forestier en Wallonie (septembre 2021)

État d'avancement des plans d'aménagement forestier en Wallonie

État d'avancement des plans d'aménagement forestier en Wallonie

État d'avancement des plans d'aménagement forestier en Wallonie

*Données au 01/09/2021

*Données au 01/09/2021

Évaluation

f064b92c-e44a-4368-8af4-41a8028a455c Etat défavorable et tendance à l'amélioration

Défavorable
  • Référentiels : (i) décret du 15/07/2008 relatif au Code forestier q, (ii) Plan de progrès PEFC 2013 - 2018 (prolongé jusqu'en 2021 en Wallonie) q
  • À la suite d'un audit externe réalisé dans le cadre de la certification forestière PEFC, le manque de plans d’aménagement forestier conformes a contraint le Gouvernement wallon à introduire une date butoir (31/12/2023) pour la réalisation de la totalité des plans. En septembre 2021, plus de la moitié (55 %) de la surface forestière concernée ne possédait pas de plan d'aménagement adopté.
En amélioration

La proportion de surface forestière ne possédant aucun plan (ou ne possédant qu'un plan obsolète) est passée de 55 % en 2010 à 8 % en 2021. Entre 2019 et 2021, près de 20 000 ha de forêts se sont dotés d'un plan d'aménagement, soit une surface quasiment 5 fois plus grande que lors de la période 2016 - 2019.